L’autonomisation des femmes est un objectif mondial
La directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes signale les progrès et les défis pour atteindre l’égalité des sexes et l’autonomie économique des femmes.
De la rédaction
07/03/2014 à 12:14, Vendredi | Mis à jour le 22/09 à 16:57
La directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes et chargée du Bureau d’appui intergouvernemental et des partenariats stratégiques des Nations Unies, Mme Lakshmi Puri, croit en une sensibilisation croissante à l’égard de la situation des femmes dans le monde et, en particulier, des défis qui doivent être surmontés.
Près de trois décennies d’importants services rendus à la diplomatie indienne, en 2002, elle est entrée à l’Organisation des Nations Unies. En mars 2011, elle a rejoint l’équipe d’ONU Femmes, peu après la création de ce qui est aujourd’hui la principale institution mondiale consacrée à la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Elle a également joué un rôle important dans le développement institutionnel et la consolidation de cette entité. Son travail l’a amenée à voyager dans diverses parties de la planète et ainsi connaître de près la dure réalité de millions de femmes.
À la veille de la 58e session de la Commission des Nations Unies sur la condition de la femme (CSW) du 10 au 21 mars à New York, États-Unis, la revue BONNE VOLONTÉ Femme a parlé avec Mme Lakshmi Puri de la réunion et des perspectives des nouveaux objectifs mondiaux pour l’après-2015 : les Objectifs de développement durable (ODD).
BONNE VOLONTÉ Femme — « Les défis et les réalisations dans la mise en oeuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement pour les femmes et les filles » constituent le thème de la session de cette année de la CSW. Quel bilan faites-vous du moment actuel ?
Lakshmi Puri — On fait actuellement un bilan rapide des OMD et de la façon dont ils ont échoué pour les femmes et les filles. Quels sont les défis, les lacunes et des opportunités découlant de cette expérience et de cette constatation ? Dans le même temps, il existe une opportunité historique de relier cette analyse à deux autres processus historiques qui sont en cours.
Le premier est le cadre du développement de l’après-2015 où les objectifs de développement durable qui ont été conçus et d’une certaine manière lancés lors de la conférence Rio+20 à Rio de Janeiro, en 2012, seront négociés à niveau intergouvernemental. Ce cadre est déjà en cours de négociation dans le groupe de travail ouvert. En même temps nous avons 20 ans pour débattre les plates-formes d’action pour les femmes. On sait que l’année prochaine marque le 20e anniversaire de la quatrième conférence mondiale sur les femmes organisée à Beijing (Chine) en 1995. Ainsi, cette commémoration et un examen, une évaluation [de ses 20 ans], constituent un autre processus historique. Il existe donc une conjonction et une confluence de ces trois processus historiques en cours.
BV — Les femmes représentent-elles encore la majorité des pauvres dans le monde ?
Lakshmi Puri — Dans les pays en développement, 70% des pauvres sont des femmes, en particulier parmi les personnes extrêmement pauvres. Il y a eu une réduction de la pauvreté, mais la féminisation de la pauvreté se poursuit et s’accentue. Le taux de scolarisation primaire dans les régions en développement a atteint 90% en 2011 et de la priorité entre les sexes dans la scolarisation dans le monde est presque atteint au niveau de l’enseignement primaire. Toutefois, seulement 2 des 130 pays ont atteint cet objectif à tous les niveaux de l’éducation et les filles sont toujours plus susceptibles d’être non scolarisées que les garçons. En outre, les femmes sont majoritairement présentes dans les emplois informels et précaires et l’écart entre les sexes dans l’emploi persiste avec une différence de 24,8 points entre les hommes et les femmes dans le ratio emploi-population. Ensuite, le taux de mortalité maternelle, qui se réfère à l’OMD 5, a diminué de 47% au cours des deux dernières décennies, mais tous les jours, près de 800 femmes meurent pendant la grossesse ou l’accouchement, alors que l’on a les moyens de les sauver. Quant à la politique, si l’on regarde la proportion moyenne e femmes membres des parlements, qui est considérée comme un indicateur de l’OMD 3, un objectif consacré à la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, si l’on continue au rythme observé au cours des quinze dernières années, il faudra 40 ans pour atteindre la parité de sexe chez les parlementaires.
BV — Dans quelle mesure les questions d’égalité des sexes, d’autonomisation et des droits des femmes devraient-elles influer sur les ODD ?
Lakshmi Puri — Dorénavant, dans le processus en cours et pour définir un nouveau cadre de développement de 2015 à 2030, nous devons nous assurer des avancées sur un objectif spécifique d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes. Nous, ONU Femmes, nous proposons cet objectif aux États membres. Nous recherchons le leadership du Brésil pour assurer cet objectif spécifique de transformation, avec trois grandes cibles. La première concerne la sécurité, l’intégrité physique et personnelle et la dignité des femmes,
qui se synthétisent dans l’élimination de la violence à l’égard des femmes. La deuxième est l’autonomisation économique et sociale, en termes d’accès aux ressources productives, d’emplois, de renforcement des compétences et des capacités, de gestion des ressources naturelles et d’accès aux services. (...) La troisième cible concerne la participation et le leadership au niveau doméstique, dans le secteur privé et dans les institutions publiques, et pas seulement au Parlement.
BV — Comment voyez-vous l’action des organisations de la société civile à l’ONU, telles que la LBV qui utilise l’éducation comme estratégie pour prévenir et pour combattre toutes les formes d’inégalité et de violence de genre ?
Lakshmi Puri — Nous valorisons réellement notre partenariat avec la société civile. On peut dire que nous n’aurions pas existé si la force dynamique des organisations de femmes et de la société civile n’avaient pas été derrière notre création. Et une organisation de la société civile comme la Légion de la Bonne Volonté, qui consacre une grande partie de ses actions sociales et éducatives pour aider les femmes et les enfants, et dont la principale stratégie pour prévenir et combattre toutes les formes d’inégalité et de la violence à l’égard des femmes est l’éducation, est une chose qui entre vraiment en résonnance avec nous et notre mission. Vous faites avancer une partie très importante de notre mission partout où vous travaillez. Éliminer la violence à l’égard des femmes est vraiment une priorité pour l’ONU Femmes. (...) Nous considérons que l’accent que met la LBV sur l’éducation est une stratégie-clé de prévention, fondamentale pour provoquer un changement de mentalité et pour transformer la culture du machisme et de l’inégalité. Par conséquent, nous vous applaudissons pour l’avoir choisie comme stratégie.
BV — L’éducation fait aussi partie des principales priorités de l’agenda politique d’ONU Femmes ?
Lakshmi Puri — Notre nouvelle directrice exécutive a souligné le rôle transformateur de l’éducation dans l’ensemble de nos domaines prioritaires, y compris l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Pour l’autonomisation économique, on a besoin d’éducation pour la participation politique et le leadership, on a de nouveau besoin d’éducation ; pour permettre aux femmes de jouer un rôle dans les conflits et situations post-conflit et de renforcer leurs rôles, l’éducation est fondamentale. Elle a aussi un rôle de premier plan dans le contexte de la planification et de la budgétisation sensibles aux genres. Travailler avec la société civile est une stratégie essentielle pour l’ONU Femmes. Nous avons très grand espoir de nous engager avec vous dans le cadre de notre campagne de Beijing+20 qui va être axée sur l’inclusion par l’éducation, avec le thème de l’autonomisation des femmes, l’autonomisation de l’humanité.