Évaluation du Brésil dans le cadre des OMD
Le ministre marcelo Neri dresse le bilan des objectifs du millénaire pour le développement et parle des avancées pour l’après-2015 dans le pays
De la rédaction
14/07/2014 à 13:55, Lundi | Mis à jour le 22/09 à 16:07
Le ministre d’État du Secrétariat des Affaires Stratégiques de la présidence de la République (SAE/PR) du Brésil, Marcelo Cortês Neri, a reçu à Rio de Janeiro/RJ l’équipe du Super Réseau Bonne Volonté de Communication (radio, TV, site web et publications) pour une interview. Titulaire d’un doctorat en économie de l’Université de Princeton, États-Unis, d’un master et d’une graduation en économie à l’Université pontificale catholique de Rio de Janeiro (PUC-Rio), Neri s’est distingué dans l’étude des changements que l’économie brésilienne a connu au cours des deux dernières décennies, avec la baisse de la pauvreté et l’émergence d’une nouvelle classe moyenne, qui s’est créée à partir de la stabilité économique, des programmes sociaux et des revalorisations du salaire minimum. Il est le fondateur du Centre des Politiques Sociales de la Fondation Getúlio Vargas (CPS/FGV) et président de l’Institut de recherche économique appliquée (IPEA), organe lié au SAE. Ses principaux domaines de recherche sont les politiques sociales, l’éducation et la microéconométrie.
Dans la conversation qui suit, le ministre parle des résultats du 5e Rapport national de suivi sur les Objectifs du Millénaire pour le développement, publié le 23 mai de cette année, avec des données actualisées sur la situation des OMD dans les diverses régions du Brésil et il commente certains des indices les plus représentatifs du document, montrant qu’au long de ces dernières années, il y a eu une continuité dans l’amélioration des indicateurs sociaux.
Bonne Volonté — Comment les omd ont-ils aidé dans la planification du gouvernement et de la société civile ?
Marcelo Neri — Les Objectifs du Millénaire pour le développement ont été fixés par les Nations Unies en 2000. Le Brésil est l’un des 190 pays signataires. Ici, dans notre pays, que ce soit du point de vue de la société, de la population, ou que ce soit du point de vue des gouvernements, ces objectifs ont eu une grande répercussion, ils ont été responsables de l’amélioration des indicateurs sociaux. Si l’on observe la période écoulée depuis le lancement des objectifs lors du sommet de 2000, de fait, c’est une époque d’amélioration accélérée des indicateurs sociaux brésiliens.
BV — La société civile s’est-elle impliquée dans la réalisation de ces objectifs ?
Marcelo Neri — Je crois que oui. Je pense que le Brésil est un cas particulier, de par la trajectoire qu’il a choisi : grandir et réduire les inégalités dans le même temps ; il est l’un des rares pays qui le font. Normalement, les choix se font ou sur l’un ou sur l’autre et le Brésil fait un peu les deux. Par exemple, le premier objectif du millénaire est de réduire l’extrême pauvreté de moitié et le Brésil, en dix ans, l’a réduite de 69 % — nous avons fait plus en dix ans que ce qui devait être fait en 25 ans — et cela s’explique par la croissance et la réduction des inégalités. Plus que cela, quand le Brésil s’est engagé sur l’objectif de la réduire de moitié, il a déclaré : « Nous allons la réduire de 100 % ». Ce mouvement brésilien est suivi par d’autres pays, par les Nations Unies... Donc, réellement, la population et le gouvernement se sont impliqués.
BV — Le Brésil a également atteint l’objectif de réduire de deux tiers les indicateurs de mortalité des enfants de moins de 5 ans. en 1990, le taux était de 53,7 décès pour 1 000 naissances vivantes, et il est passé à 17,7 en 2011. Quelles sont les prochaines étapes ?
Marcelo Neri — Une nation qui était connue comme « le pays de l’avenir», mais où la plupart des enfants mouraient avant d’atteindre l’âge de 5 ans. En réalité, il n’y avait pas d’avenir. Évidemment, ne pas mourir dans les cinq premières années, c’est très peu. Il faut penser à un autre agenda qui non seulement privilégie les droits en pensant à éviter des situations négatives, mais qui promeuve aussi des droits positifs, c’est-à-dire, l’enfant a le droit de jouer, de se développer, d’être stimulé, etc. Le Brésil en est à cette transition.
BV — Il se passe la même chose avec l’OMD 7, assurer un environnement durable, qui inclut l’objectif de réduire de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas d’accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base, qui s’est réalisé intégralement en 2012. Qu’est-ce que cela a signifié ?
Marcelo Neri — Il existe une certainerelation entre la mortalité infantile et, principalement, l’assainissement. J’avoue que même pour cet objectif, j’ai été surpris, parce que le Brésil est allé plus vite encore que ce que nous espérions. En ce qui concerne l’accès à l’eau, nous avions déjà une bonne couverture. (...) Je vois que la société brésilienne est plus consciente de la question de l’absence d’assainissement. Je veux dire, le manque d’eau, d’électricité, ce sont des choses que chaque individu perçoit dans sa maison. La nouveauté est pour l’absence de tout à l’égout ; les gens ne savent pas vraiment si leur maison est raccordée ou non, ou si les eaux usées sont traitées ou non. Ce changement de mentalité est une victoire, le résultat d’un nouveau tournant. La Fondation Getúlio Vargas a des recherches sur le manque d’assainissement ; ce n’est que le début, il reste encore beaucoup à faire au Brésil, car les eaux usées doiventtre traitées. Mais il est naturel d’avoir des objectifs et de partir ensuite vers d’autres objectifs plus ambitieux.
BV — En ce qui concerne l’environnement, qu’est-ce que le pays a fait pour réduire les émissions de gaz polluants ?
Marcelo Neri — Le Brésil a commencé à embrasser cette cause de manière plus institutionnelle à partir de Rio-92. Nous nous trouvons justement entre la conclusion des Objectifs du millénaire pour le développement, les OMD, et l’élaboration des Objectifs de développement durable, les ODD qui ont été discutés à Rio+20 et qui sont une combinaison de développement inclusif et durable. Nous sommes donc sur ce parcours où l’on cherche à aller au-delà de l’économique et du social, en prenant aussi en compte l’environnement ; c’est une cause qui mobilise la société brésilienne. De 2004 à 2010, il y a eu une réduction de 75 % de la déforestation. Il faut dire [que], à l’exemple de la question de l’inégalité, celle de l’environnement est encore très mauvaise. L’image d’aujourd’hui est bien meilleure qu’il y a vingt ans, mais nous ne pouvons pas nous en accommoder. Les nouveaux objectifs qui sont en cours de discussion viendront, et dans ces nouveaux objectifs, le Brésil aura un rôle important.
BV — Quel est le rôle des programmes de redistribution de revenus dans la mise en œuvre des politiques publiques ?
Marcelo Neri — Le programme Bolsa Família (Bourse Famille) a un rôle important, mais le protagoniste est le marché du travail, qui explique 55 % de la baisse de l’inégalité et les trois quarts de l’augmentation des revenus des personnes. Pour sa part, le programme Bolsa Família explique plus ou moins 12 % de la baisse des inégalités. Il coûte très peu, seulement un demi-point de pourcentage de PIB (Produit intérieur brut) et atteint près d’un quart de la population. En réalité, le Brésil n’a pas seulement montré une croissance et une réduction des inégalités, il l’a fait à partir de l’augmentation du revenu du travail, une chose importante car elle est durable. Il hérite de la politique éducative mise en œuvre dans le pays ces dernières années, avec des améliorations dans la qualité de l’enseignement et, dans le même temps, il dispose de programmes comme la Bolsa Família, la sécurité sociale en milieu rural. (...) Donc, le Brésil a également diversifié, il n’a pas mis tous les œufs dans les mêmes politiques, dans les mêmes paniers.
BV — Offrir une éducation de base de qualité pour tous est l’un des omd les plus importants. Le pays rencontre encore de grands défis dans ce domaine...
Marcelo Neri — Pour l’enseignement dans les écoles primaires et le premier cycle du secondaire (enseignement fondamental), le Brésil a le défi de la qualité. De 7 à 14 ans, 98 % des enfants, comme le montre le rapport, sont déjà à l’école, il reste à améliorer l’apprentissage des élèves et [créer plus] d’écoles et de collèges à plein temps, mais il y a déjà des politiques qui vont dans ce sens. Nous avons un grand défi dans l’éducation de la petite enfance — les crèches et les actions de ce type — et également pour l’enseignement secondaire. La bonne nouvelle est que le Brésil avance ; nous avons augmenté, par exemple, les investissements publics directs dans l’éducation, qui sont passés, de 2000 à 2012, de 3,9 à 5,5 % du PIB. Le Congrès vient d’approuver le Plan national d’éducation. Nous avons déjà des objectifs de qualité, tels que l’Épreuve Brésil, de l’IDEB, qui est l’indice de développement de l’éducation de base.