Les extrêmes climatiques et la crise hydrique
José Antonio Marengo
04/01/2016 à 17:02, Lundi | Mis à jour le 22/09 à 16:48
Interview avec José Antonio Marengo, climatologue brésilien, météorologue et chef de la Division de Recherche duCentro Nacional de Monitoramento e Alertas de Desastres Naturais (Cemaden), lié au Secrétariat aux Politiques et Programmes de Recherche et Développement (SEPED), du Ministère brésilien de la Science, de la Technologie et de l’Innovation (MCTI).
BONNE VOLONTÉ — Le changement climatique est l’un des thèmes majeurs de la COP21. Comment la population le perçoit-elle ?
José Marengo — (...) Selon la NASA [l’agence spatiale américaine], le premier semestre 2015 a été le plus chaud des cinquante dernières années. Il est perceptible que les hivers sont plus chauds et nous sommes en train de nous adapter sans nous en rendre compte. (...) Nous devons travailler pour que le réchauffement climatique ne dépasse pas 2 degrés, pour que les impacts soient les plus faibles possibles : la fonte des calottes polaires qui peut élever le niveau de la mer et affecter les zones côtières ; l’impact sur la biodiversité en Amazonie, dans le Cerrado [savane du Plateau Central du Brésil] et les prés ; les maladies tropicales qui peuvent être plus fréquentes ; le prix de l’énergie [électrique] qui doit devenir plus chère... La cause principale [de ce réchauffement] est l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone.
BV — Quel est le rôle de l’Amazonie dans la crise hydrique ?
José Marengo — Nous disposons de notes, pas de recherche scientifique, indiquant que la déforestation en Amazonie est la cause de la sécheresse dans le sud-est [du Brésil], mais ce n’est pas sûr à 100%. Ce serait un indicateur de changement climatique si cette sécheresse avait lieu chaque été depuis trente, quarante ans. La pluie, dans la région de la sécheresse (São Paulo et Serra da Cantareira) provient de plusieurs sources : l’Amazonie, les brises de l’Océan Atlantique et les fronts froids. Pendant le mois de décembre 2013 et l’été 2014, il s’est formé une bulle d’air chaud sur l’ensemble de la région. C’était comme une paroi, un blocage. Les fronts froids n’ont pas réussi à pénétrer cette barrière et ils sont allés vers le Sud. La même chose s’est produite avec les brises. L’humidité qui venait de l’Amazonie n’est pas non plus arrivée jusqu’au sud-est.
« Selon la NASA, le premier semestre 2015 a été le plus chaud des cinquante dernières années. Il est perceptible que les hivers sont plus chauds et nous sommes en train de nous adapter sans nous en rendre compte. »
BV — La crise hydrique du sud-est du Brésil se poursuivra dans les prochaines années ?
José Marengo — Difficile à prévoir, parce que normalement, l’Inmet [Institut National de Météorologie], avec le Cemaden, effectue la prévision climatique saisonnière sur une période de trois mois à venir. (...) Nous attendons le premier front froid qui réussisse à décréter le début de la saison des pluies. Il est trop tôt pour dire si la sécheresse se poursuivra ou non, en tous cas, il faudrait beaucoup de pluies, 100% au-dessus de la normale, pour remplir le [réservoir de] Cantareira. Pour le récupérer, même s’il pleut normalement, cela prendra au moins environ cinq ans.
Cet article est extrait de la revue BONNE VOLONTÉ Développement durable — Paris (décembre/2015). Téléchargez gratuitement PDF ou l'app de la revue, disponible sur iOS et Android.