Politiques publiques durables
Santé, pollution et économie
Paulo Saldiva
21/12/2015 à 13:29, Lundi | Mis à jour le 22/09 à 16:07
Interview avec Paulo Saldiva, pathologiste brésilien, professeur et coordonnateur du Laboratoire de Pollution Atmosphérique de l’Université de São Paulo (USP).
BONNE VOLONTÉ — La pollution est-elle la même dans tous les centres urbains ?
Paulo Saldiva — Non, cela change d’une ville à l’autre, et normalement, dans les pays les plus pauvres, il y a plus de pollution. (...) Une vieille centrale thermique au charbon ne meurt pas. Ce qui se passe, c’est qu’elle est démontée et ses pièces sont envoyées dans un pays ayant un pouvoir d’achat plus bas, c’est-à-dire, où il existe un déphasage technologique. On voit beaucoup ce type de stratégie au Brésil-même, quand on prend un bus de São Paulo qui, après dix ans, ne peut plus rouler et on le vend à d’autres municipalités. Cela montre que, plus la prise de conscience environnementale et le niveau d’organisation de la société sont faibles, plus on finit par accepter des choses qui ne sont basées que sur l’équation des affaires.
BV — Comment échapper à cette vision court-termiste ? Y a-t-il des initiatives de succès qui prennent en compte la conscience écologique ?
Paulo Saldiva — Un exemple classique est celui du maire de Dublin, capitale de l’Irlande, l’un des pays qui produisent le plus du charbon dans le monde. Il a remplacé dans la ville le charbon [qui est plus polluant] par le gaz pour chauffer les maisons. Ça a provoqué beaucoup de grincements de dents, mais pour chaque livre sterling investie dans le changement du mix énergétique, il a gagné, l’année suivante, huit livres sterling dans le domaine de la santé. Dans quel investissement commercial, de n’importe quel domaine, pouvez-vous investir un et gagner huit en un an ? Le cobénéfice en santé devrait guider la politique sur le changement climatique. (...) Et il n’y a aucun argument moral, éthique ou humanitaire qui justifie la perte de millions de vies au nom d’une entreprise quelconque.
« Le co-bénéfice en santé devrait guider la politique sur le changement climatique (...) Et il n’y a aucun argument moral, éthique ou humanitaire qui justifie la perte de millions de vies au nom d’une entreprise quelconque. »
BV — Quelles sont les maladies causées par la pollution ?
Paulo Saldiva — Tout ce qui est causé par le tabagisme et qui est sur l’emballage du paquet de cigarettes est également causé par la pollution : le cancer du poumon et de la vessie, l’infarctus du myocarde, l’aggravation des problèmes respiratoires chroniques, la rhinite, la sinusite, le faible poids à la naissance et la prématurité. (...) Nous « fumons » à São Paulo/SP de quatre à cinq cigarettes par jour. Je ne voudrais pas fumer tout ça... Les autorités environnementales n’ont pas de force pour combattre le problème ; elles perdent contre le secteur économique. Le défi est de faire des politiques publiques intégrées et durables et de mettre comme objectif principal la qualité de la santé humaine. Tant que chacun pensera dans sa boîte, ça ne marchera pas.
Cet article est extrait de la revue BONNE VOLONTÉ Développement durable — Paris (décembre/2015). Téléchargez gratuitement PDF ou l'app de la revue, disponible sur iOS et Android.